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La Cathédrale Engloutie
--> Variations sur un thème de Debussy
Adieu à Marin

Et le Dieu passe comme le vent sur le pétale voluptueux d'une fleur nouvelle, il s'y attarde.
Le vent brûle et souffre dans le champs de nos péchés et au soir, part mourir loin, dans le froid du noir.
Il ravit leur souffle aux lèvres amères des suppliciés.
Il pleure, se meurt et ses membres ardents de douleur glacent son cœur.
Il a soif de boire le sang des purs qui emplit les lits des rivières du ciel.
Poussières d'étoiles lasses du soir que charrie la nuit d'été dans son voile chaste noir.
Écoute la lune qui s'étire dans l'eau, gouttes vermeilles.
Sonne la cloche, se noie au Palais du lac profond.
La lune d'automne, rousse moire, sombre fluide, depuis l'onde.
Tombe une feuille, ombre au seuil de la cathédrale.
Pointent les soupirs, cortège de silences.
Mille notes descendent les marches du grand escalier, pierre froide coulant sous l'eau bleue hivernale.
Écoute la lune qui se glace, gouttes d'argent troublent les sombres fonds du lac.
Cavalent les croches dans la nuit ivre, pluie de sons dans le givre.
Où as-tu caché la sente qui mène à cette terre en lisière du sommeil ?
Je voudrais l'emprunter une fois encore.
Laisse-moi perdre l'ici et vivre là-bas, m'égarer dans les marais.
Déjà je ferme les yeux et mes pieds, dans le fin limon, se blessent aux joncs.
La lune d'argent orne de nielle les rivages inégaux.
Son rayon guide mes pas au lieu de son repos.
Ne l'éveille, que sans fin je m'enivre de son parfum aux essences de cédrat, de mousse et de bois.
Je goûte sa chaleur qui m'enveloppe et me pénètre, parcelle après parcelle…
Alangui, il a les doux traits de notre Seigneur, sa candeur.
Mon Seigneur est-il plus innocent, plus désarmé ?
Il m'aurait causé douleur aussi âpre et lancinante.
Le miel de sa bouche aurait coulé amer dans mon sein.
Et pourtant, ici, les effluves de mon aimé émoustillent mes sens.
Je désire le voir sourire !
Trace sur ses lèvres et ses hautes pommettes l'esquisse qui m'atteignit, consumant mes entrailles.
Regarde son doigt long et fin qui tel une vague, ondula de ma joue à mon oreille, enflammant ma peau.
Touche ses cheveux plus sombres et plus doux que les argiles humides du marais.
Que son ventre tendre et rond me recouvre encore !
Ma main voudrait remonter le dos de ses longues jambes et tenir le mince arrondi saillant.
Que sa bouche s'affole sur ma gorge, me goûte et me goûte !
L'impérieux désir glisse ma main jusqu'à son ventre, elle s'attarde sur son nombril et mes doigts descendent le long du fin duvet qui y naît.
Pourquoi évoquer le timbre doux et mélodieux de sa voix, maintenant que la magie de ses mots m'est interdite ?
Les sons passant entre sa langue et ses dents blanches dansaient, tantôt serrés, tantôt ronds.
Laisse-le endormi, surtout ne l'éveille !
Je serais l'objet de son mépris, il me bannirait et mon âme n'aurait nul abri.
Que son souffle ruisselle encore sur ma chevelure.
J'ai connu deux nuits à son côté.
La première, il a prononcé les mots du charme, longue et ardente incantation.
La seconde, il m'a possédée, entièrement, totalement.
Au jour nouveau, il s'est détaché, me laissant vide.
Coulent mes larmes, qu'elles baignent mon âme, le sel ronge mais le désert noie.
J'ai sombré sans lui et sans bruit, mais le silence tinte à mes oreilles.
La bruine chagrine des landes grises du songe suinte son nom contre ma tempe.
Déchire le velours d'un pétale, ainsi est mon âme, car nulle toile si finement tissée à l'aube, ne pourra le réparer.

Isabelle Savin, 1999


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Ecrit par Isabelle, à 05:54 dans la rubrique "Pensieri - Poesia".



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